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anglais. À cette heure, il est à Smyrne, sans doute, et je l’y trouverai au lever du soleil, si vos ordres l’exigent.

— Nous verrons. Merci, » dit la comtesse Octavie avec une voix sourde.

Et elle monta aux appartements pour trouver le colonel Douglas, dont la longue absence ne justifiait que trop les pressentiments sinistres.

Le colonel, le consul anglais et le tuteur d’Amalia se promenaient au pas de course dans une galerie, lorsque la comtesse parut subitement au milieu d’eux.

« Un coup de foudre ! madame, dit le colonel en élevant ses mains croisées sur son front.

— Un coup de foudre prévu, dit Octavie d’un ton strident.

— Prévu, madame ! oh ! vous êtes injuste dans votre pensée ! Comment prévoir cet ordre du ministre ? Lisez, madame, la dépêche…

— Je l’ai lue, colonel, avant le ministre qui l’a écrite.

— Madame, le service de Sa Majesté…

— Le service de Sa Majesté, colonel, peut attendre huit jours, et vous allez partir aujourd’hui, j’en suis sûre n’est-ce pas ? »

Un silence de quelques instants suivit ces paroles.

Le tuteur d’Amalia prit un ton calme et dit :

« Les intérêts de Mlle Amalia sont sauvegardés.

— Oh ! voilà bien le langage d’un tuteur, dit la comtesse avec un sourire fou : on donne la dot comme la rançon de la liberté du mari !…

— Mais, au nom de Dieu, madame, dit le colonel, lisez la dépêche… Voilà ma justification… L’ordre du ministre est formel, inexorable… Il ne me laisse pas une heure de liberté… Savez-vous bien, madame,