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La figure de la jeune femme avait des éclairs de colère, lancés à propos dans les yeux de son danseur ; puis elle reprenait subitement le plus adorable des sourires, pour donner le change aux voisins. Sir Edward, qu’aucune voix d’homme ou de bête fauve, aucun rugissement du ciel, de la terre et de l’Océan, ne pouvait émouvoir, tremblait en écoutant cette voix de femme qui, même dans son expression irritée, gardait sa mélodie de grâce et d’amour.

La contredanse finie, sir Edward conduisit la comtesse vers le coin de la salle où Amalia venait de s’asseoir ; et, chemin faisant, il avait bégayé, avec l’émotion d’un criminel, ces paroles peu significatives :

« Madame, si votre langage eût été plus clair, j’aurais répondu, j’espère, à votre satisfaction ; je suis incapable d’une déloyauté. Bientôt l’événement répondra pour moi.

— Oui, aux Indes, » dit la comtesse Octavie.

Et elle salua sir Edward ; et, traversant la foule d’un pas rapide, elle chercha M. Edgard de Bagnerie, pour connaître le résultat de la commission qu’elle lui avait donnée.

« Madame, lui dit Edgard, voici ce que j’ai vu : Le comte Élona était dans la plus vive agitation, mais personne ne le remarquait ; tous les yeux étaient fixés sur vous et sir Edward. Il est sorti sur la terrasse pour respirer un peu de fraîcheur, car la fièvre empourprait son visage. En ce moment, un homme vêtu à la créole, et qui avait des yeux de flamme sur une figure cuivrée, s’est approché du comte Élona et lui a remis un billet. Un entretien vif et court s’est établi entre eux. Une détermination subite a été prise ; ils ont quitté la terrasse et se sont dirigés vers la mer. Je les ai suivis. Le comte Élona s’est embarqué sur le canot du paquebot