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XIX

Le tuteur Tower.

Ce même jour, à l’heure où le sang coulait dans le vallon des Taugs, devant le pic de Doumar-Leyna, miss Arinda, levée avec l’aurore, donnait ses ordres pour le bal du lendemain, et la comtesse Octavie et Amalia rentraient avec M. Tower à l’auberge des Douces-Heures, après une dernière et orageuse nuit passée dans la maison du capitaine Moss.

Les deux femmes avaient épuisé tout entretien possible sur Edward et le jeune Élona. Elles étaient arrivées à un silence morne, jalonné par intervalles de quelques syllabes sourdes ; à ce silence qui semble dire que tous les soupçons viennent enfin d’être reconnus légitimes, et qu’il est inutile de pousser plus loin cette aveugle complaisance de l’amitié ou de l’amour, qui veut se tromper elle-même pour justifier des absents trop évidemment criminels.

C’était donc pour les deux femmes un fait accompli et reconnu. Edward et le comte Élona, ces natures d’élite, mentaient à leur honorable réputation ; ils ressemblaient à une fou, le d’autres hommes ; ils employaient leurs jours à tromper les affections de leurs nuits, et leurs nuits à tromper les affections de leurs jours. Chose désolante, mais incontestable.

Par intervalles, M. Tower hasardait quelques timides et courtes apparitions, espérant toujours que l’attrait de sa présence donnerait enfin une nouvelle tournure