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— Comment ! vous ne le devinez pas, belle comtesse ! dit Edward sur le ton innocent du badinage ; je traversais la mer, j’allais aux Indes ; on m’a dit que la comtesse Octavie allait chanter un duo de Rossini, au bord du golfe, et j’ai fait jeter l’ancre un instant pour vous écouter et danser avec vous.

— Non, sir Edward ; parlons sérieusement, puisqu’on ne danse pas. Une idée vous a conduit ici ; mes yeux ne se trompent jamais ; vous avez remis à votre consul un pli énorme lorsque vous êtes entré. Vous avez même fait cela fort adroitement pour tout le monde, excepté pour moi.

— Ah ! vous êtes mon maître, madame ! je m’incline devant votre intelligence. Vos yeux ne se contentent pas d’être beaux, ils sont redoutables de toutes les manières. Puisque vous avez tout vu, je ne veux rien nier. Voici donc le but de mon débarquement au bord de l’Hermus. Le ministre m’a confié des dépêches pour notre consul.

— Et il paraît, sir Edward, que vos dépêches sont très-importantes, puisque votre consul a quitté le bal en emmenant avec lui le colonel Douglas ?

— Oui, madame, j’ai remarqué cela aussi.

— Sir Edward, avec vos yeux indiens, vous n’avez pas percé l’enveloppe du pli ministériel ?

— Oh ! je respecte les secrets d’État.

— Mais vous les devinez dans l’occasion ?

— Non, madame, j’attends que tout le monde les connaisse pour les deviner. C’est alors qu’ils deviennent obscurs.

— La conversation sur les dépêches se prolonge entre votre consul et le colonel Douglas. La belle fiancée a des inquiétudes : heureusement on la reconduit au quadrille. Voici une nouvelle contredanse. Sir