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— Ainsi, nous sommes à la disposition de ce noble étranger pour commencer notre duo.

— Ce n’est qu’un retard de quelques minutes, belle comtesse… le voilà. »

Sir Edward traversa la salle dans toute sa longueur, et vint présenter ses hommages aux maîtres de la maison.

À peine le nom du célèbre explorateur de l’Inde eut-il circulé dans les groupes, qu’un murmure d’admiration éclata partout. Le duo de Tancredi commença, mais il n’arrivait qu’à des oreilles distraites. Les yeux étaient fixés sur le noble étranger, et l’on se racontait tout bas quelque trait de cette existence héroïque et mystérieuse, qui ne connaissait d’autre patrie que l’univers.

Sir Edward, debout, dans une attitude pleine de noblesse et de simplicité, ne témoignait ni fierté, ni surprise, ni émotion ; il ne répondit par aucun regard de complaisance à la curiosité enthousiaste de la foule ; il écouta le duo avec une attention feinte ou vraie, mais qui attestait chez lui un profond sentiment des convenances. Le chant terminé, il applaudit les artistes amateurs, et il dit au colonel Douglas :

« Je viens de quitter à King’s-Theatre la voix de Mme Pasta, et je la retrouve ici.

— Oh ! nous savons depuis longtemps, dit la comtesse Octavie que sir Edward est galant comme un Français.

— Excusez-moi, madame, dit sir Edward, je ne voulais pas être entendu. Cela m’enlève tout le mérite de la galanterie que vous me supposez. Il ne me reste que la sincérité de l’éloge.

— Sir Edward, je devrais être jalouse de vous…

— Oh ! je vous en prie, madame, suivez cette inspiration.