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Un consul disait :

« La jeune mariée n’a pas une figure de noce. »

Un diplomate répondait :

« Oh ! les femmes à cet âge, il faut les connaître ! Elles dissimulent déjà leur joie intérieure comme des coquettes de cinquante ans. Ma femme a pleuré à son bal de mariage ; oui, monsieur, un mariage d’amour ! »

Un scrutateur de la question d’Orient disait :

« Le colonel Douglas a un air grave qui sied peu à la fête. On dirait qu’il médite une descente dans quelque souterrain du Nizam. »

Un équilibriste du destin européen répondait :

« Oui, le colonel me parait un de ces militaires qui ne reculent pas devant l’ennemi, mais qui battent en retraite devant le bonheur. La fiancée est belle à ravir ; elle a pris au genre féminin grec tout ce qu’il a de séduisant et de gracieux dans la figure, le corps et le costume. C’est la Vénus de Médicis, avec le charme du sensualisme moderne, bien préférable à la sécheresse imposante de la divinité. Je conçois qu’un homme s’effraye de ce bonheur, à la veille de le saisir. Quand l’épouse est trop belle, il y a beaucoup de poltrons aux pieds des autels. La jeune Amalia sera belle ainsi trente ans encore. C’est un long souci pour un époux ! »

La comtesse Octavie n’avait pris aucun grade en diplomatie orientale, mais son œil perçait les ténèbres lumineuses de ce bal.

La contredanse terminée, elle quitta le bras du colonel Douglas, et, sans la moindre affectation de démarche, elle perça la foule et arriva comme par hasard devant le comte Élona.

« Comte Élona, lui dit-elle, vous avez inventé pour la contredanse une figure polonaise que je n’aime pas.