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— Monsieur, dit le comte Élona, vous pouvez entendre d’ici le son des instruments ; je ne pourrai aborder le colonel Douglas qu’après la contredanse ; ainsi nous avons le temps d’échanger quelques mots. Ce canot vous appartient-il, monsieur ?

— C’est le canot du paquebot à vapeur le Cylon.

— Monsieur, avant de mériter votre confiance, je vais vous dire mon nom. Je suis le comte Élona Brodzinski, proscrit de Varsovie, et le nom de mon père est sans doute arrivé jusqu’à vous dans la récente guerre de notre indépendance ; j’étais son aide de camp lorsqu’il commandait un corps d’armée sur la rive droite de la Vistule, et Dieu m’a refusé la grâce de mourir avec les miens. »

L’inconnu prit les mains du comte et les serra vivement ; puis il dit :

« Mon nom n’a pas le bonheur d’être illustre comme le vôtre : je suis sir Edward Klerbbs, citoyen du monde et l’ami des proscrits et des malheureux.

— Sir Edward, le Cylon fera-t-il une longue station à Smyrne ?

— Il part demain pour Alexandrie, avant le lever du soleil.

— Demain !… c’est un coup de la Providence !… Sir Edward, si vous êtes l’ami des malheureux, vous devez avoir rendu quelquefois des services…

— Ceux qui m’en demandent me les rendent, à moi, en me les demandant. Parlez, comte Élona.

— Sir Edward, je croyais pouvoir partir cette nuit avec la caravane de Mételin, mais elle ne passera que dans trois jours. Il m’est impossible d’attendre trois jours. Le soleil de demain doit me tuer, sir Edward. Connaissez-vous le commandant du Cylon ?

— C’est mon intime ami.