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Nizam. On conçoit, en pareil cas, le dépit d’un jeune officier de trente ans qui va perdre quinze mois de sa jeunesse pour donner aux ministres, à l’autre bout du monde, des explications qui n’expliqueront rien. De son côté, le tuteur de la belle orpheline grecque s’est emparé du colonel à son passage pour défendre les intérêts de sa pupille ; le tuteur ne voyait, lui, que douze mille livres de dot aventurées au Malabar : on connaît l’esprit des tuteurs. Certes, il est permis de croire que le colonel a supporté d’abord avec peine toutes ces contrariétés ; il doit avoir maudit les ministres, les tuteurs et lord Byron ; mais la grâce et la beauté d’Amalia ont eu leur influence inévitable. Le colonel s’est rendu à discrétion ; il a oublié le Nizam ; il a béni lord Byron ; il a fait une donation des douze mille livres à sa fiancée entre les mains du banquier Lhéman ; et, pour mettre le comble à sa galanterie, il est devenu amoureux de sa femme avant de l’épouser.

— La comtesse Octavie de Verzon connaît admirablement l’histoire de nos fiancés, dit Ernest de Lucy ; il n’y a rien à répondre à cela.

— Aussi, nous ne répondons rien, dit Edgard.

— Oui, dit la comtesse ; mais il y a des sourires significatifs qui répondent pour vous, monsieur Edgard.

— Eh ! madame ! comment voulez-vous prohiber les sourires ?… Excusez-moi, je crois fermement à toute votre histoire, excepté à l’amour du colonel Douglas.

— Oh ! voilà bien les hommes ! ils ne croient jamais à l’amour Je suis sûre que le comte Élona, qui n’est pas encore perverti par les maximes de la jeunesse française, m’approuve silencieusement au fond du cœur. »

Le comte polonais fit un signe de tête affirmatif.

« Ainsi, madame, dit Edgard, avec vos idées sur