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casion de faire la plus belle action de votre vie, mon cher colonel.

Avec moins de franchise dans l’âme, je vous aurais soigneusement dérobé mon intervention dans cette affaire ; mais je ne sais pas voiler mon visage, ma parole ou ma main. J’ai trouvé le secret d’être plus diplomate que tout le monde : c’est de dire toujours la vérité.

Au point où en sont les choses, et lorsqu’il s’agit de rendre l’honneur à une noble orpheline sans appui, déshonorée par votre brusque et inconcevable départ, vous ne balancerez point. La dépêche du ministre a un caractère officiel d’indignation et de menace, fort inutile à mon sens. Lorsqu’on écrit ainsi, il semble qu’on doute, et le doute est déjà une injure. On vous donne, avec une grande sécheresse officielle, un ordre qui peut se traduire littéralement ainsi, en changeant les termes : « Colonel, en recevant cette dépêche, vous remettrez vos épaulettes au capitaine Moss ; vous abandonnerez votre poste, la veille d’un combat ; vous déserterez, vous vous déshonorerez. »

Vous n’avez qu’un parti à prendre pour vous sauver de cette honte : épouser Amalia.

Le nom de Byron a même été mentionné dans la dépêche. C’est la première fois que White-Hall s’occupe de ce grand poète. On voit bien qu’il est mort.

Vous allez voir maintenant, mon cher colonel, qu’une femme a plus d’intelligence qu’un ministre : le ministre doute et insulte ; moi je ne doute pas et je réhabilite. Je voudrais que le colonel Douglas épousât Amalia avant de lire la dépêche ministérielle, si cela est possible. Cela tient à la bonne volonté du vent et de la mer. C’est vous dire que nous voudrions arriver avant le paquebot des dépêches ; c’est vous dire que nous