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Excusez mon orgueil national : il n’y a rien au monde que les jeunes gens français pour savoir ce qu’il faut dire ou faire, dans un aussi terrible moment.

« Eh bien ! mesdames, dit M. de Bagnerie avec le plus gracieux sourire, ce domestique est une sentinelle stupide ; il faut respecter sa consigne. C’est sans doute une méprise. Il n’y a qu’un bal de perdu. Tout s’arrangera demain.

— Oui, oui, tout s’arrangera demain, dit M. de Lucy avec une tranquillité charmante. Ce domestique est sans doute nouveau dans le service. Je ne le connais pas, moi qui suis un ancien de la maison. »

Nous feignîmes de nous payer de ces raisons, Amalia et moi, et notre fausse gaieté se mit à l’unisson de la gaieté de ces messieurs.

Le lendemain, au tomber du jour, une terrible nouvelle se répandit dans la ville. Edgard de Bagnerie et Ernest de Lucy s’étaient battus en duel avec les deux proches parents de Mme de N… Les quatre combattants avaient été grièvement blessés. Cette fois le bruit public disait vrai. Je ne vous peindrai pas notre désespoir ; je vous supprime même les détails qui suivirent. Souvent une seule ligne dit tout ce qu’on ne dit pas.

La chancellerie s’émut de cette nouvelle : Foreign-Office en fut instruit. Moi-même, je ne vous le cacherai point, je crus devoir écrire à Londres, dans votre intérêt, comme dans celui de l’honneur d’Amalia. Je vous défendis énergiquement tous les deux. Mais cette justification, écrite dans le premier accès de fièvre, eut un résultat que je n’avais pas prévu. Elle tourna contre vous. Certes, vous ne me garderez pas rancune de ce tort, si c’en est un. Votre âme est trop généreuse pour me reprocher une démarche qui va vous ménager l’oc-