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Huit jours après votre départ de Smyrne, Mme de N… ouvrait son salon de campagne à la société oisive et opulente de ce pays. Il était convenu que les invitations de l’an dernier seraient bonnes et valables cette année, sans exception aucune. Voici, d’après un témoin digne de foi, l’entretien qui s’établit entre quelques intimes au début de la soirée, avant le bal. Une dame de nos ennemies, laquelle a le malheur de regretter sa jeunesse depuis quarante ans, appliqua la bordure de son éventail ouvert sur sa lèvre inférieure et dit :

« Il faut convenir que notre ville n’a jamais rien vu d’aussi dégoûtant. On ne nous a pas invités à une fête particulière, mais bien à un scandale pulblic. »

Un vieux monsieur prit un air de commisération qui contrastait avec son air d’orfraie et son nez de vautour, et dit en larmoyant :

« C’est affreux pour la pauvre jeune fille, si elle est innocente, comme je ne le crois pas.

« Amalia, dit un savant voyageur, attaché aux ruines de Carthage, m’a toujours paru une jeune étourdie fort exaltée, fort romanesque et gâtée par les poèmes de Baïron. Avec l’habitude que j’ai des femmes, je n’aurais pas voulu donner Mlle Amalia pour compagne à ma femme ou à ma sœur.

— Croyez-vous bien que la chose soit positive ; là, comme le monde la raconte ? dit un invité qui ne savait que dire.

— Eh ! mon Dieu ! dit l’attaché aux ruines, je tiens l’histoire de la bouche de deux consuls. C’est maintenant de l’histoire ancienne. Mlle Amalia était en intrigue criminelle, depuis six mois, avec ce jeune comte polonais… dont j’ai oublié le nom…

— Le comte Élona Brodzinski, dirent quatre voix.