Page:Méry - La guerre du Nizam, Hachette, 1859.djvu/102

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

VI

Une lettre.


L’ennui, ce fléau de toutes les histoires, est enfanté par la complaisance des détails intermédiaires. Les tâtonnements de la transition tuent l’intérêt du récit. La transition n’est pas dans la nature. Le torrent qui roule, la cataracte qui tombe, la foudre qui écrase, ne s’arrêtent pas en route pour nous parler du caillou, du rocher ou de Franklin. Imitons la nature, quoique de fort loin, hélas ! comme quatre brins d’herbe se cotisent pour imiter un palmier.

La transition est souvent aussi une insulte à l’intelligence du lecteur ; il faut cependant mentionner, à cette page, que le colonel Douglas a donné des ordres pour dérober aux yeux des vivants les moindres traces de ce drame de mort, et pour recommander un secret inviolable sur les horreurs de la nuit ; officiers et soldats se sont purifiés dans le lac de leurs sanglantes souillures ; rien ne doit transpirer à Roudjah et aux environs. Il faut ainsi pour ne point donner l’alarme aux populations des campagnes et des villages, et pour continuer l’horrible guerre avec toutes les apparences de la paix.

Douglas et Edward sont rentrés à Nerbudda, furtivement, comme ils en étaient sortis. Personne n’a remarqué leur absence. L’habitation du nabab vient d’être, à son insu, élevée à la dignité de quartier général.

Une heure après, le soleil se leva comme à son ordi-