Page:Mérimée - Théâtre de Clara Gazul, 1857.djvu/92

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Antonio. Maria !

Mariquita de même. Seulement un quart d’heure encore !

Antonio. Maria… je suis à toi… tout à toi… je ne suis plus l’inquisiteur… je suis Antonio… je veux être…

Mariquita de même. Mon bourreau ! vous êtes mon bourreau !

Antonio. Non, non… pas ton bourreau… ton ami… nous ne serons qu’un corps et qu’une âme… Soyons comme Adam et Ève.

Mariquita s’approchant. Comment ! mon père, vous mon amant !

Antonio. Amant, amant ! oui, ton amant ! aimons-nous toujours.

Mariquita. Oui !… mais faites-moi sortir d’ici.

Antonio. Oui, mais aime-moi d’abord.

Mariquita. Nous aurons le temps ensuite. Sauvons-nous, c’est le plus pressé.

Antonio avec délire. Mariquita, vois-tu, j’abjure mes vœux ; je ne suis plus prêtre, je veux être ton amant… ton mari, ton amant… Nous allons nous sauver ensemble dans les déserts… nous mangerons ensemble des fruits sauvages comme les ermites…

Mariquita. Bah ! il vaudrait mieux tâcher d’aller à Cadiz. Il y a toujours des vaisseaux pour l’Angleterre. C’est un bon pays. On dit que les prêtres y sont mariés. Il n’y a pas d’inquisition. Le capitaine O’Trigger…

Antonio. Cesse, mon épouse, ne parle pas de ces capitaines anglais… je n’aime pas à t’entendre parler d’eux.

Mariquita. Déjà jaloux ? — Partons vite.

Antonio. Tout à l’heure. Mais montre-moi que tu m’aimes auparavant.

Mariquita. Eh bien ! vite. — Vous êtes bien innocent !…

Antonio. Innocent ! Innocent ! moi le plus grand pécheur ! un réprouvé ! un damné ! un damné ! mais je t’aime, et je renonce au paradis pour contempler tes yeux.

Mariquita. Partons, partons, et puis nous ferons l’amour ensuite comme deux tourtereaux. Tiens. (Elle l’embrasse.)

Antonio criant. — Qu’est-ce que l’enfer quand on est heureux comme moi !