Page:Mérimée - Théâtre de Clara Gazul, 1857.djvu/89

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

ordonner que l’accusé, ou l’accusée, soit mis, ou mise, à la torture ».

Mariquita. À la torture ! Jésus ! Marie ! Vous allez donc me déchirer comme de la laine à carder. Seigneurs licenciés, ayez pitié d’une pauvre fille innocente. Je vous en conjure, ne me faites pas mourir dans les tourments. Enfermez-moi plutôt dans un souterrain, privez-moi de la lumière du soleil ; mais ne me tuez pas, ne me torturez pas !

Rafael. Seigneur Antonio, ayez pitié de sa jeunesse !

Domingo. Elle est innocente, seigneur collègue ; un peu de compassion.

Antonio de même. La règle parle. — Pedro Gracias, tortionnaire, paraissez.

L’exécuteur paraît dans le fond.

Mariquita. Ah ! ne dites pas cela. Grâce, grâce ! regardez-moi au moins. (Elle s’élance sur l’estrade, et embrasse les genoux d’Antonio.)

Antonio ouvrant les yeux. Ah !

Rafael. Seigneur, ayez pitié… mais… qu’avez-vous ?

Antonio d’une voix tremblante. — Je te reconnais bien… tu vas donc me mener en enfer… tu dépouilles ta robe nuptiale, et je vois la peau brûlée du diable… Je suis donc en enfer… toutes les messes, saint Antoine lui-même, ne m’en retireraient pas. (Il tombe évanoui.)

Rafael. Il est fou !

Domingo aux familiers. Emportez-le dans sa cellule. (Bas à Mariquita.) Ne craignez rien, ma belle enfant, on ne vous mettra pas à la torture.

Rafael bas à Mariquita. N’ayez pas peur. Ce n’est pas pour des personnes faites comme vous que nous avons des chevalets. (Aux familiers.) Emmenez-la, donnez-lui une bonne chambre, mais ne la laissez parler à personne.

Domingo bas à Mariquita. Méfiez-vous de Rafael. Je ferai ce que je pourrai pour vous.

Rafael de même. Méfiez-vous de Domingo, c’est un vieil hypocrite. Mais moi, je m’intéresse à vous. Adieu ma fille. (Il lui donne une tape sur la joue.) C’est moi qui suis votre ami. Adieu. (À part, en sortant.) Je t’empêcherai bien de la voir.

Domingo à part en sortant. Tu ne la verras pas, vieux satyre, ou j’y perdrai ma soutane.

On emmène Mariquita.