j’ai convertie, et qui s’est avisée tout d’un coup de devenir mère, a fait du bruit dans le monde. Mais, après tout, y a-t-il là dedans quelque chose de si extraordinaire ?
Domingo. De plus, il nous accuse, m’a-t-on dit, de n’être pas chrétiens.
Rafael. Est-il donc si nécessaire d’être chrétien pour être inquisiteu ?
Domingo. Malgré votre conversion et ses suites, je suis encore plus mal noté que vous sur ses tablettes.
Rafael. Vous y figurez donc comme athée ?
Domingo. Non, plût au ciel ! mais mon coquin de frère servant, qui fait ma chambre, lui a porté une cuisse de poulet qui s’y trouvait… je ne sais comment, et dans le carême, s’il vous plaît !
Rafael. Par le corps du Christ ! voilà une fâcheuse affaire !
Domingo. Ce qu’il y a de pis, c’est que ce nouvel inquisiteur qu’il nous a envoyé pour présider ce tribunal est un démon qui doit nous espionner. Ajoutez à cela que le drôle est de bonne foi.
Rafael. Bon ! pouvez-vous le croire ?
Domingo. Ou je me trompe fort, ou c’est un véritable Loyola. On dit qu’il en est à ne pouvoir distinguer une femme d’un homme ; oh ! c’est un saint.
Rafael. Hélas !
Domingo. Hélas !
Rafael. Sacrebleu ! est-ce ainsi que l’on paye nos services ! Je suis aujourd’hui d’une humeur affreuse ; je voudrais être Turc ! — Malheur à ceux que nous allons juger ! il me faut quelqu’un pour passer ma mauvaise humeur. Au feu ! au feu ! et puis au feu ! voilà mon dernier mot.
Domingo. Amen ! c’est aujourd’hui samedi, et c’est mon usage de condamner ce jour-là ; le lundi j’absous. De cette façon, s’il y a des quiproquos, si les innocents tombent le mauvais jour, la faute en est au bon Dieu. — Mais, à propos, dites-moi, qu’est devenue votre juive ?
Rafael. Elle est à la Maternité, la petite sotte.
Domingo. Sotte en effet (À part) et plus sot qui l’y envoya.
Rafael. Que grommelez-vous entre vos dents ?