Page:Mérimée - Théâtre de Clara Gazul, 1857.djvu/77

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

cela. Je tous ai dressé une embuscade, comme j’ai eu l’honneur de vous le dire… J’avoue que j’ai eu tort de m’habiller comme un pékin… cependant cet habit… Non, jamais il ne pourra passer pour militaire ! Allons, lavez-moi la tête avec du plomb, cela m’apprendra à ne plus quitter l’uniforme.

Don Juan. Non. Vous avez un nom qui vous sauve, monsieur Leblanc.

Charles Leblanc. Ah ! c’est qu’apparemment vous êtes amoureux de ma mère ou de ma sœur, qui servent dans le régiment des mouchards.

Don Juan. Taisez-vous !

Charles Leblanc. Au diable les mouchards ! Faites-moi fusiller. Je ne veux pas qu’on puisse dire que pareille canaille a sauvé la vie à un officier de la garde impériale. Faites-moi fusiller ; aussi bien je ne serai plus capitaine.

Don Juan. Non, vivez. C’est moi qui vous donne la vie en considération de votre courage.

Charles Leblanc. Accepté à ces conditions ! Colonel, vous êtes un bon enfant. Vous avez l’air d’un brave militaire, quoique vous n’ayez pas déchiré autant de cartouches moi. Moi, je ne suis qu’un pauvre hère de lieutenant, et vous… oh ! le bon service que le service d’Espagne !

Don Juan. Vous ne voudriez pas une compagnie dans notre division ?

Charles Leblanc. Non, le diable m’emporte ! Sachez que j’aimerais mieux être coupé en quatre que de prendre une autre cocarde que la cocarde de France.

Un sergent entrant. Colonel, je ne sais ce qu’est devenu le résident, mais il est impossible de le trouver. Cependant la corde est toute prête à la porte de votre hôtel.

Charles Leblanc. Ha, ha ! En effet, voilà une corde attachée au lieu de l’enseigne des Trois-Couronnes.

Entre madame de Coulanges en uniforme de cadet du régiment de don Juan.

Madame de Coulanges. Colonel, votre régiment est en bataille, et l’on vous attend.

Don Juan. Ô ma chère Élisa !

Charles Leblanc à part, se détournant. Ma sœur ! que le diable l’emporte !