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amis, attention au commandement ! Comme je représente pour le quart d’heure monsieur le résident, attendu qu’il a planté là la guérite, je m’en vais vous proposer la santé de notre caporal à tous. — À la santé de Sa Majesté l’Empereur ! vive l’empereur ! (À part.) Eh bien ! ils ne viennent pas ? Les officiers danois et allemands se lèvent pour répondre au toast.

Le marquis se levant. À mon tour, messieurs, j’ai l’honneur de vous proposer la santé de Sa Majesté Ferdinand VII, roi d’Espagne et des Indes !

Les officiers espagnols. Vive le roi ! (Tumulte.)

Charles Leblanc. Vive l’empereur ! À moi, chasseurs ! Général, je vous arrête. Allons, aidez-nous, canailles de Danois !

Entrent des soldats espagnols ; Charles Leblanc est désarmé. Les fenêtres du fond s’ouvrent, et laissent apercevoir la flotte anglaise pavoisée et saluant. On entend les cris de joie des soldats espagnols.

Le marquis. Vos chasseurs sont en prison, monsieur le secrétaire. — Messieurs les officiers danois et allemands, c’est avec regret que je vous demande votre parole de ne pas vous opposer à notre dessein. Toute résistance est inutile, et votre courage est assez connu pour ne pas avoir besoin de nouvelles preuves. Reprenez vos épées, messieurs, vous n’êtes pas nos prisonniers. Autrefois nous avons combattu sous la même bannière, un jour peut-être nous retrouverons-nous combattant ensemble sous le drapeau de la liberté. Nous vous quittons pour voler à la défense de notre patrie ; car, avant de prêter serment de servir l’empereur des Français, nous devions notre sang à la terre d’Espagne. Adieu, messieurs. — Messieurs les officiers espagnols, je connais trop bien le corps que j’ai l’honneur de commander pour douter un instant qu’un seul de vous ne réponde avec allégresse à l’appel de la patrie. Vous allez vous mesurer avec les tyrans et les vainqueurs du monde, avec ce flot d’esclaves étrangers qu’ils poussent sur l’Espagne. Vous allez trouver nos armées désorganisées, détruites ; mais tout Espagnol est devenu soldat, et les montagnes de Baylen attestent déjà que nos paysans peuvent vaincre les vainqueurs d’Austerlitz 15. La trahison a livré nos places fortes à l’ennemi ; nos arsenaux sont en son pouvoir. — Mais nos villes sans murailles ont