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PRÉFACE

J’ai lu, dans l’ouvrage du malheureux Ustariz sur la Nouvelle-Grenade, l’anecdote qui fait le sujet de la pièce suivante ; en voici l’extrait :

« Don José Maria de Carvajal descendait du fameux don Diego, mestre de camp de Gonzale Pizarro, dont la cruauté a passé en proverbe 1. Certes, il ne démentit pas son origine ; car il n’y a pas de rapines, de trahisons et de meurtres dont il ne se soit rendu coupable en divers lieux, tant dans ce royaume que dans le golfe du Mexique où il exerça longtemps le métier de pirate. Ajoutez à cela qu’il s’adonnait à la magie, et que, pour plaire au diable son inventeur, il commit plusieurs sacrilèges trop horribles pour que je les rapporte ici. Néanmoins il obtint sa grâce à prix d’argent, dont il avait quantité, et, s’étant établi à la côte ferme, il parvint à faire oublier ses forfaits par le vice-roi, en soumettant plusieurs tribus d’indiens sauvages et rebelles à l’autorité de S. M. C. Dans cette expédition il n’oublia pas ses intérêts, car il dépouilla de leurs biens plusieurs créoles innocents qu’il fit mourir ensuite, les accusant d’être d’intelligence avec les ennemis du roi…

« Dans le temps qu’il faisait la course, il avait enlevé et épousé une demoiselle noble, native de Biscaye et nommée doña Agustina Salazar, dont il eut une fille nommée doña Catalina. Il avait permis à sa mère de la faire élever au couvent de Notre-Dame du Rosaire à Cumana ; mais, lorsqu’il se fut établi à Yztepa, au pied de la Cordillère, il fit venir près de lui cette demoiselle, dont la rare beauté ne tarda pas à allumer une flamme impure dans son cœur dépravé. D’abord il tenta de séduire l’innocence de la jeune Catalina soit en lui donnant de mauvais livres, soit en raillant en sa présence les mystères de notre sainte religion. Comme il vit ses efforts inutiles, par une ruse diabolique il essaya de lui persuader qu’elle n’était pas sa fille et que sa mère, doña Agustina, avait manqué à la foi conjugale. Toute cette infâme machination