autrement, s’abaisser jusqu’à favoriser les prétentions de ces misérables. — Je crains de fatiguer Votre Altesse qui me semble souffrir dans ce moment.
Oui, mon pied me fait grand mal.
Or donc, quelques gens oisifs et méchants, comme, Dieu merci, il n’en manque pas à Lima, ont prétendu surprendre des œillades fort enflammées que le matador lançait à la belle comédienne. N’a-t-on pas remarqué encore que cet homme, qui est consommé dans son art, au lieu d’attirer le taureau sous la loge de Votre Altesse, pour le tuer là, comme tout matador bien appris a coutume de le faire… eh bien ! ce Ramon, au contraire, se postait sous la loge de la señora Perichole, lui faisant ainsi tous les honneurs de la fête. Il faut avouer qu’il y a des gens qui trouvent du mal partout, même dans ce qu’il y a de plus innocent ! Par exemple, à cette même course, la señora a fait quelque chose qu’ils ont bien mal interprété, et qui au fond n’a rien que de naturel. Au moment où le taureau noir et blanc, le plus terrible de tous, a été abattu par Ramon, le collier de perles de la señora Perichole est tombé dans l’arène. Ramon l’a ramassé et l’a passé à son cou, après l’avoir baisé avec respect. Mais moi, je suis convaincu que ce collier est tombé par accident, puis, par générosité, la señora l’a abandonné au matador, lequel, au reste, ne l’a pas vendu, comme bien des gens de sa profession l’auraient fait à sa place, pour aller en dépenser le prix au cabaret. Lui, au contraire, le porte à son cou par la ville, fier comme un paon, et bravant encore plus qu’à l’ordinaire. Que Votre Altesse imagine quelle bonne fortune que cet accident pour la médisance ! Aussi Dieu sait comment les gens travestissent l’affaire. Suivant eux, la señora Perichole se serait élancée hors de sa loge, elle aurait arraché elle-même son collier exprès, et l’aurait jeté au matador en criant : Bravo, Ramon ! — La señora Romer, du grand théâtre, et qui se trouvait dans la même loge… (mais c’est la jalousie qui la fait parler) a dit que la señora Perichole s’était écriée : Bravo, mon Ramon ! J’étais trop loin pour entendre, mais je gage qu’elle a menti ; car elle est si méchante, tenez, qu’elle ose dire qu’à la dernière représen-