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Doña Urraca. Oui, moi ! La jalousie, la fureur… m’ont égarée…

Don Pablo. Ton amour était fort ! je n’aurais pas cru qu’il allât si loin. — Mais relève-toi, et embrasse-moi.

Doña Urraca. Tu me pardonnes ?

Don Pablo. Je ne pense qu’à ton amour. Peste ! il était fort !

Doña Urraca. Pablo, je suis grande, tu vas prendre mes habits et te sauver.

Don Pablo. Doucement. Ils seraient capables de te pendre à ma place.

Doña Urraca. Jésus Maria ! que devenir ?

Don Pablo. Il faut se résigner, ma reine, et passer nos derniers moments à faire toutes les folies possibles.

Doña Urraca. Écoute. Fray Bartolomé, qui m’a fait entrer ici, doit venir dans un instant. C’est lui qui m’a arraché ton secret.

Don Pablo avec inquiétude. Diable ! et par quel moyen ?

Doña Urraca. En me montrant ce malheureux portrait. Il va venir. J’ai un poignard dans ma jarretière ; tu le tueras, et tu prendras sa robe.

Don Pablo. Moi !

Doña Urraca. Après moi ce traître est cause de ta mort.

Don Pablo. Il a fait son métier d’inquisiteur.

Doña Urraca défaisant sa jarretière. Tiens ce poignard.

Don Pablo. La jolie jambe ! laisse-moi la baiser.

Doña Urraca. Prends ce poignard, te dis-je.

Don Pablo. Fi donc ! nous autres militaires, nous ne savons pas nous servir de ces outils-là. Pour me sauver je ne veux pas tuer un homme.

Doña Urraca. Rends-moi mon poignard.

Don Pablo. Laisse-moi le remettre où il était.

Doña Urraca. Donne. Voici Fray Bartolomé.

Don Pablo à Fray Bartolomé. Eh bien ! mon révérend, on dit que vous voulez absolument me causer certaine suffocation…

F. Bartolomé. J’en ai bien du regret, mais…

Don Pablo. Oh ! vous êtes trop honnête, en vérité ; mais, est-ce qu’il n’y aurait pas moyen de s’arranger à l’amiable ?

F. Bartolomé. Doña Urraca a dû vous dire…