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Le poète s’inclinant. Sans doute. — Mais la route la plus directe…

Le capitaine. Vous dites, seigneur licencié, que les Espagnols ne sont jamais allés en Danemarck ? Eh ! n’y suis-je pas allé, moi, avec le grand marquis de La Romana ? et n’ai-je pas manqué, vive Dieu ! d’y laisser mon nez ? Je l’ai eu gelé, parbleu ! qu’on l’aurait pris pour un morceau de glace.

Clara. Bravo, capitaine ! vous avez deviné le sujet de la comédie.

Tous. Quoi ! le marquis de La Romana !

Clara. Précisément.

Le capitaine. Eh bien, morbleu ! la comédie doit être excellente, c’est moi qui vous le dis. Le marquis était un grand homme. — Il a organisé chez nous la guerre des Quadrilles3, qui a chassé les Français de notre vieille Espagne.

Le Grand. Appeler La Romana un grand homme ! Il était d’une injustice !… Il n’a pas voulu seulement me donner un régiment à commander… à moi !

Le poète. Mais c’est impossible de faire une comédie sur des gens qui sont à peine morts.

Clara. À peine morts !… Plût au ciel que le pauvre marquis ne fût pas tout à fait mort !

Le capitaine. Vive Dieu ! je me souviens encore du jour où nous rencontrâmes en Galice4 nos anciens alliés de Pologne. Nous avions l’air de tomber des nues… Malheureusement La Romana n’était pas avec nous… et…

Le Grand. Dites-nous un peu, Clarita, qu’est-ce que chante cette comédie ?

Clara. Patience, et vous verrez.

Le poète. Sur ce pied-là, la comédie commence en Danemarck et finit à Espinosa en Galice. — Le trajet est court… — Mais messieurs les romantiques ont des voitures si commodes !

Clara. Vous ne savez ce que vous dites. Toute la pièce se passe dans l’île de Fionie.

Le capitaine. Oui, justement, l’île de Fionie ; c’est là que j’ai manqué de laisser mon nez en gage.

Le poète. Et… les unités ?

Clara. Ma foi ! je ne sais pas ce qu’il en est. Je ne vais pas m’informer, pour juger d’une pièce, si l’événement se passe