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Inès. Méchant ! qui croirait qu’autrefois tu me grondais quand je t’appelais monsieur le baron ? Dans la lune de miel, tu m’embrassais toujours quand je t’appelais mon cœur.

Don Esteban l’embrassant. Tu ne peux me donner un nom qui me rappelle de plus doux souvenirs. Mais vois-tu, mon Inès, pour le monde, pour ces hidalgos pelés et impertinents, il nous faut prendre nos grands airs.

Inès. Allons, j’y ferai mon possible, mon… mon ami. Mais ne fronce plus tes sourcils, embrassons-nous encore une fois, et que la paix soit faite !

Don Esteban. Ma chère Inésille, pourrais-je jamais te garder rancune ? C’est pour toi, pour toi seule, que j’ai souffert hier. Dieu ! quand j’y pense, ma colère se rallume. Ces bégueules, qui ne veulent pas venir dîner chez toi !

Inès. Moquons-nous de leurs caquets. Leur société est-elle si agréable qu’il faille la regretter ?

Entre un domestique.

Le domestique. Monseigneur, voici deux lettres.

Il sort.

Don Esteban. Quelle est cette écriture ? je ne la connais pas. (Lisant.) « Don Gil Lampurdo, y Mello de la Porra, etc., baise les mains à don Esteban Sandoval, baron de Mendoza, et l’invite à honorer de sa présence la fête qu’il donne dans son château de la Porra, mardi prochain, aux dames et aux seigneurs des environs. » Et il ne t’invite pas ! corps du Christ ! (Il déchire la lettre.) Il me paiera cher son insolence ! Vive Dieu ! j’en ferai un exemple qui apprendra la politesse à tous les Porras à venir 2 !

Inès. Là, là ! mon cher Esteban, tu me fais tant de peine quand tu te mets en colère. Calme-toi, je t’en prie, pour l’amour de moi.

Don Esteban. Tu ne sais pas ce que souffre un gentilhomme outragé.

Inès. Mon cœur !

Don Esteban. Don Gil ou don diable, je te ferai bien voir !…

Inès. Il est trop au-dessous de toi… Mais tiens, lis donc l’autre lettre. C’est amusant de lire des lettres.

Don Esteban. Je veux que le misérable ! (Lisant l’adresse de la lettre.) Ah !

Inès. D’où te vient cette surprise ?

Don Esteban. Cette lettre est de la duchesse de Montalvan.