tage. Et c’est dans les anciens que j’ai pris ces sentiments-là. —… Ah ! Sénèque !
Mendo. Je ne vois pas…
Don Luis. Pour en venir au fait, je vous apprends… Devinez… Mon fils aime et veut épouser… votre fille…
Mendo. Ma fille !
Don Luis. Je m’y suis d’abord opposé… mais il avait perdu la tête… et, comme la mésalliance du côté de l’homme ne tire pas beaucoup à conséquence, et que les Mendoza, grâce à Dieu, ont de la noblesse pour illustrer deux familles… j’ai donné mon consentement, et je viens prendre jour avec vous pour la noce… Hein ? qu’en dites-vous ?
Mendo. Eh quoi ! monseigneur… de quelle tache voulez-vous ternir vos armoiries !
Don Luis. Bagatelles ! Le mâle n’anoblit-il pas ? et puis, voyez-vous, j’ai du faible pour vous… D’ailleurs, j’ai bien d’autres raisons. D’abord, je suis philosophe… Et puis, le duc de Médina-Sidonia, disputant un jour avec moi, m’a défié de donner mon fils à une roturière… Je veux lui montrer que je suis philosophe pratique… Ensuite le roi a donné tout dernièrement encore un gouvernement à don Rodrigo Pacheco, qui avait fait la même chose que mon fils.
Mendo. Monseigneur… cela ne se peut… Savez-vous bien qui je suis ?
Don Luis. L’homme le plus entêté de la terre, vive Dieu !
Mendo. Un Mendoza s’allier à…
Don Luis. Un paysan ? C’est nous que cela regarde, n’est-il pas vrai ? — Qu’avez-vous à répondre ?
Mendo. Don Luis, je vous respecte… j’ose même vous aimer… mais nous ne pouvons plus nous voir…
Don Luis. Il est fou !
Mendo. Je ne puis vous dire mes motifs, mais croyez qu’ils sont justes.
Don Luis. Va-t’en à tous les diables, vilain ! Comment ! mon fils aime votre fille ; votre fille l’aime ; Esteban veut bien l’épouser, j’y consens ; et vous, au lieu de me remercier de tant d’honneur, vous battez la campagne… Peut-être que monsieur nous trouve trop pauvres ou trop peu nobles pour lui ?