Une ondée arrose un instant
Ses feuilles endormies,
Et de ses branches tombe
Une pluie mortelle sur le sol brûlant.
Mais un homme a fait un signe,
Un homme obéit ; on l’envoie à l’antchar,
Il part sans hésiter,
Et le lendemain il rapporte le poison.
Il rapporte la gomme mortelle,
Des rameaux et des feuilles fanées,
Et de son front pâle,
La sueur découle en ruisseaux glacés.
Il l’apporte, chancelle,
Tombe sur les nattes de la tente,
Et le misérable esclave expire
Aux pieds de son prince invincible.
Et le prince, de ce poison,
Abreuve ses flèches obéissantes.
Elles vont porter la destruction
A ses voisins, sur la frontière.
Le cadre est étroit, mais le tableau est achevé et,
si je ne me trompe, la composition a sa grandeur.
Voici maintenant un fragment très-court où Pouchkine
décrit une scène horrible, sans insister sur .ses
détails repoussants, et de façon pourtant à laisser
l’impression la plus poignante. La pièce est intitulée
le Privilégié ; je traduis ainsi le nom de Kromes-
1. Le latin seul peut donner une idée de la concision du
russe : At mr virum — misit ad antchar superbo vullu, — et
ille obedienter viam ingressus est,— et redtil manecum veneno.
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