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aussi sa manière dans ses poésies lyriques, où il est peut-être le plus admirable. Bien qu’il soit impossible de traduire des vers et surtout des vers lyriquesen vile prose, j’essayerai pourtant de donner un ’ exemple desa manière. Quelque imparfaite que soit ma traduction, elle permettra pourtant d’apprécier lestraitssaillants du génie de Pouchkine mieux que je ne pourrais le faire comprendre par une longue dissertation. Je commencerai par une pièce célèbre, iAntchar. C’est le nom d’un arbre des Indes dont le suc est, dit-on, un poison mortel. Les Orientaux en content bien des merveilles ; je ne sais si les botanistes le connaissent.


Dans un désert avare et stérile,
Sur un sol calciné par le soleil,
L’antchar, tel une vedette menaçante,
Se dresse unique dans la création.

La nature, dans ces plaines altérées,
Le planta au jour de sa colère,
Abreuvant de poison ses racines
Et la pâle verdure de ses rameaux.

Le poison filtre à travers son écorce,
En gouttes fondues par l’ardeur du midi ;
Le soir, il se fige en gomme
Epaisse et transparente.

L’oiseau se détourne à son aspect,
Le tigre l’évite ;
Un souffle de vent courbe son feuillage ;
Le vent passe, il est empesté.