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PORTRAITS HISTORIQUES ET LITTÉRAIRES.

turellement, en écrivant cette lettre ; car je puis la commencer à peu près dans les mêmes termes.

» Le pied dans l’étrier, en agonie mortelle, seigneur, je t’écris ce billet.

» Hier ils m’ont donné l’extrême-onction, et aujourd’hui je vous écris. Le temps est court : l’agonie s’accroît : l’espérance diminue, et avec tout cela je vis, parce que je veux vivre assez de temps pour baiser les pieds de V. E.[1], et peut-être que la joie de la revoir en bonne santé, de retour en Espagne, me rendrait la vie. Mais s’il est décrété que je doive mourir, la volonté du Ciel s’accomplisse ; que du moins V. E. connaisse mes vœux ; qu’elle sache qu’elle perd en moi un serviteur dévoué, qui aurait voulu lui prouver son attachement, même au delà de la mort. Cependant comme en prophétie, je me réjouis de l’arrivée de V. E., je vois le peuple saluant votre retour avec joie ; je vois accomplies les espérances que m’avait fait concevoir la renommée de vos bontés. J’ai encore sur la conscience quelques fragments des Semaines du Jardin, et du Grand Bernard. Si par aventure ou plutôt par miracle, le Ciel me donne la vie, V. E. verra

  1. Terme de politesse assez ordinaire.