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CERVANTES.

« Nous continuons cet ouvrage, dit-il, avec les matériaux que Cervantes a employés pour le commencer, et nous aidant de plusieurs relations fidèles qui sont tombées sous sa main. Je dis main, car il avoue lui-même qu’il n’en a qu’une ; et nous dirons de lui que s’il est vieux d’années, il est bien jeune de courage, et qu’il a plus de langue que de mains. Au reste, permis à lui de se plaindre de mon ouvrage, puisqu’il lui fait perdre les bénéfices qu’il attendait de sa seconde partie. »

Dans un autre passage, Avellaneda cherche à s’appuyer du nom de Lope de Véga, critiqué, mais avec mesure, dans le chapitre lxviii de la première partie. Il lui dénonce Cervantes comme son ennemi, et s’efforce de l’associer à sa haine privée. Mais Lope rejeta cette odieuse alliance, et dans ses ouvrages il se plaît à rendre à son rival de gloire toute la justice due à son talent et à son caractère.

Cervantes répondit dignement à ses lâches adversaires, par la seconde partie du Don Quichotte[1], au moins égale, sinon supérieure à la première. Il combat ses ennemis en homme d’esprit et de bonté[2], mais il est facile de voir que les injures de l’Arago-

  1. En 1615.
  2. Voir le prologue de la 2e partie.