Page:Mérimée - Portraits historiques et littéraires (1874).djvu/49

Cette page a été validée par deux contributeurs.
41
CERVANTES.

dames, varièrent et adoucirent ces récits perpétuels de duels et de massacres ; et à mesure que la dévotion devint un trait distinctif du caractère espagnol, ils s’enrichirent de miracles et de dissertations théologiques. Voilà donc les traits principaux des romans de chevalerie : guerre, galanterie, dévotion ; les deux derniers deviennent souvent libertinage et superstition[1].

Au temps de Cervantes, une espèce de croisade contre les infidèles avait donné un redoublement de verve aux romanciers. Reproduisant tous les lieux communs du merveilleux, ils renchérirent encore sur le style héroïque ou culto, dont nous avons parlé, et ce fut véritablement alors que le mal vint à son comble. Si le but de Cervantes fut de détruire les romans de chevalerie, jamais auteur n’eut un plus grand succès. Bons ou mauvais, les romans de chevalerie disparurent des bibliothèques, et la plupart de ceux qui sont cités dans Don Quichotte, sont devenus tellement rares, qu’il serait presque impossible, de se les procurer en Espagne.

Mais le plus grand mal de ces livres n’était pas

  1. Besadme tres veces en la boca, en honor de la Santissima Trinidad.
    Tirante-el-Blanco.