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CERVANTES.

n’est pas dans les auteurs espagnols qu’il faut les chercher.

L’opinion la plus généralement reçue, est que l’intention de notre auteur a été de dégoûter des livres de chevalerie, alors extrêmement répandus en Espagne. C’est, ce me semble, la plus raisonnable. Elle est confirmée par le prologue et par bien des passages de la première partie, enfin elle a été adoptée par Padre Isla, auquel un motif semblable a dicté son Fray Gerundio Campazas. Quant à l’invention du personnage de Don Quichotte en lui-même, qui peut espérer d’en retrouver la trace, maintenant que toutes les traditions sur son auteur sont effacées ? Quelque plaisanterie du moment, quelque anecdote perdue, lui a peut-être fourni l’idée de son héros, comme celle de Falstaff pour Shakspeare ? Serait-il si difficile de trouver dans Falstaff une idée philosophique, si l’on voulait absolument en trouver une ?

Il est d’autant plus probable que Cervantes voulut détruire les livres de chevalerie, que de son temps ces livres s’étaient multipliés d’une manière vraiment effrayante. Les preux d’Arthur et de Charlemagne avaient été pour le moyen âge ce qu’étaient pour l’antiquité classique ses demi-dieux et ses