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PORTRAITS HISTORIQUES ET LITTÉRAIRES.

Il serait bien inutile, aujourd’hui, de faire l’éloge de cette composition extraordinaire, que tout le monde a lue, et que tout le monde aime à relire. Malgré le mérite prodigieux du style de l’original, toutes les traductions en sont goûtées, et l’ont été dans tous les temps. Peut-être que les lecteurs accoutumés à la légèreté de quelques-uns de nos auteurs du xixe siècle, ne trouveront pas son style assez vif et assez rapide ; mais il faut faire attention à la différence du génie des deux langues et des deux nations. La langue espagnole, qui a peu changé depuis Cervantes, est si riche en mots sonores et sons harmonieux, qu’elle semble, par cela même, inviter aux longues phrases. D’ailleurs le caractère posé des Castillans explique ces longues périodes qui se retrouvent même dans leurs conversations. Toutefois, Cervantes n’en a jamais fait abus ; et sans aucune exception, il est le plus simple comme le plus élégant des prosateurs espagnols.

Les érudits ont relevé nombre d’anachronismes et quelques erreurs historiques ; mais on peut lui faire un reproche plus grave, c’est d’avoir, peut-être trop souvent, cherché une source de comique dans les souffrances de son héros. Les coups de bâton qu’il lui donne sont d’abord au-dessus des forces de la