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PORTRAITS HISTORIQUES ET LITTÉRAIRES.

senter la figure humaine ont été de grands paysagistes, lorsqu’ils ont voulu l’être, et on ne s’étonnera pas de trouver chez M. Tourguénef, profond scrutateur du cœur humain, le talent d’observer et de décrire les sites et les effets de la nature. Toujours exact et simple, il s’élève souvent à la poésie, sans paraître la chercher, par la vivacité de ses impressions et l’art avec lequel il met en relief les traits caractéristiques de ses descriptions. Et ce n’est pas seulement la nature de son pays qu’il nous fait sentir et comprendre ; en lisant sa nouvelle intitulée Apparitions, il est impossible de ne pas admirer la variété et la vérité de ces paysages si différents. Quiconque, d’un site élevé, a contemplé la nuit la campagne de Rome, se rappellera ces flaques d’eau de toutes formes se dessinant en clair sur un fond d’herbes noires et réfléchissant un ciel lumineux. M. Tourguénef les compare aux fragments d’un miroir cassé dispersés sur un parquet. Assurément on pourrait trouver une comparaison plus noble, mais je doute qu’on pût offrir une image aussi exacte. Et dans la même nouvelle, cette nuit d’été à Saint-Pétersbourg, qu’il appelle un jour malade, n’est-ce pas un de ces traits qu’on n’oublie pas, parce qu’ils donnent une idée juste et vraie, exprimée de la ma-