Page:Mérimée - Portraits historiques et littéraires (1874).djvu/35

Cette page a été validée par deux contributeurs.
27
CERVANTES.

assez faibles de conception, écrits en vers très-inférieurs à ceux de ses premières pièces. Souvent il met en scène des musulmans, et ce qui doit étonner, c’est que Cervantes, qui avait été à portée de connaître leurs mœurs, les ait si mal reproduites sur le théâtre. Six intermèdes suivent les comédies. Ce sont des scènes vulgaires copiées d’après nature, et qui devaient être assez plaisantes à la représentation. Il faut dire, à la louange de notre auteur, que ses intermèdes sont beaucoup moins indécents que la plupart de ceux que l’on jouait à cette époque ; mais cela ne prouve pas beaucoup en leur faveur.

Probablement Cervantes se serait exclusivement voué au théâtre, si Lope de Véga, dès son début, n’avait éclipsé sa réputation. Cervantes se jugea avec modestie ; il comprit qu’il fallait céder la première place à son rival, et il était trop fier pour se contenter du second rang. Il renonça donc au théâtre, et se mit à chercher ailleurs des moyens de subsister. Son mariage n’avait fait que rendre sa pauvreté plus pénible, et la nécessité lui faisait une loi de mettre en œuvre toutes les ressources de son esprit. S’imaginant que désormais ce serait en vain qu’il chercherait dans la littérature un moyen de