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PORTRAITS HISTORIQUES ET LITTÉRAIRES.

point d’honneur pour leurs amis, l’affaire est déclarée sérieuse ; un duel a lieu, et Lenskoï est tué. Oniéghine doit quitter la Russie pour plusieurs années. Il y revient mûri par le chagrin et par l’étude, plus indulgent pour les autres, moins égoïste et plus sérieux. Dans une grande soirée, il distingue une jeune femme remarquable par sa beauté et plus encore par son grand air. C’est la lionne de Moscou, mais lionne respectée par la médisance. Au milieu de ses longs voyages, Oniéghine a perdu la mémoire de toutes les demoiselles qui promettaient de son temps, et il s’adresse à un vieux général, son parent, aimé et considéré de tout le monde. — « Quoi ! tu ne la connais pas ? c’est ma femme… Mais comment as-tu déjà oublié ta voisine de campagne, Tatiana ? Viens, que je te présente. » Tatiana le reçoit sans embarras ; elle n’est ni prude ni hardie, mais polie et gracieuse, affable même. Elle semble parfaitement à son aise, tandis qu’Oniéghine admire comment la petite provinciale s’est changée si vite en grande dame. Il commence à regretter sa froideur d’autrefois. Pas n’est besoin d’ajouter que bientôt il en est amoureux, et très-sérieusement ; mais à présent il a affaire à forte partie. Le général n’est pas jaloux, il est plein de confiance dans