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PORTRAITS HISTORIQUES ET LITTÉRAIRES.

tout en se plaisant à le taquiner. Lenskoï voit tout en beau, il aime tout, et se désespère que son ami ait une si triste expérience des hommes et des choses. « L’allégresse du cœur s’augmente à la répandre. » Lenskoï, qui aime une demoiselle du voisinage, veut rendre Oniéghine témoin de son bonheur, et le conduit, presque malgré lui, dans la famille de sa fiancée, famille bien patriarcale, provinciale même. Mais il y a deux filles à marier. Tatiana, la sœur de la fiancée de Lenskoï, timide, réservée, n’osant dire un mot, est tout yeux et tout oreilles pour le froid compagnon de son futur beau-frère ; il lui représente la perfection de ce comme il faut dont elle a entendu parler.

Tatiana est un volcan couvert de neige. Rien de plus gracieux que cette figure de jeune fille passionnée et candide, intelligente et crédule, fière et timide, vivant au milieu des rêves de son imagination. Mais pourquoi Oniéghine ne découvre-t-il pas d’abord le diamant sous la gangue qui le cache ? Pourquoi ? parce qu’il n’a jamais vécu que d’une vie factice, parce qu’il n’a vu que du strass artistement taillé. Il ne connaît que ces belles poupées, habillées par la meilleure marchande de modes, et montées dans une de ces écoles où comme le veut