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PORTRAITS HISTORIQUES ET LITTÉRAIRES.

L’empereur voulait-il guérir le poëte de ses aspirations trop libérales en le forçant de décrire les sanguinaires saturnales d’esclaves révoltés ? Voulait-il seulement, en lui confiant un travail officiel, l’accaparer en quelque sorte ? Je l’ignore. Mais Pouchkine attrapa bien ceux qui annonçaient que de la mission impériale sortirait un nouveau poëme. Il étudia consciencieusement son sujet, compulsa maints mémoires, fouilla les archives de toutes les provinces où Pougatchef avait passé, et le résultat de son travail fut un récit aussi froid que le procès-verbal d’un greffier de cour d’assises. Il est vrai que ces études nous ont valu la Fille du Capitaine, petit roman où Pougatchef joue un rôle, et se fait mieux connaître que dans l’histoire officielle.

Je ne dirai rien de quelques poëmes, tels que les Frères bandits, Mazeppa, le Cavalier de bronze, la Fontaine de Bakhtchisaraï, ayant hâte d’arriver au plus important des ouvrages de Pouchkine, à celui qui seul pourrait donner une idée complète de son génie et en montrer les différentes transformations. C’est Eugène Oniéghine. S’il s’agissait d’un tableau, je dirais qu’il a été commencé dans la seconde manière du maître, et achevé dans la dernière, c’est-