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PORTRAITS HISTORIQUES ET LITTÉRAIRES.

miens offrent comme le résumé le plus fidèle de la manière et du génie de Pouchkine. Simplicité de la fable, choix habile des détails, merveilleuse sobriété de l’exécution. Il est impossible de donner en français une idée de la concision de ses vers. Ses images toujours pleines de vérité et de vie sont plutôt indiquées que développées, et c’est avec un goût tout à fait hellénique qu’il dirige l’attention du lecteur. L’exposition du poëme, la description du site, la peinture de la vie des bohémiens n’occupent que dix-sept vers, et cependant que manque-t-il au tableau ?

Je traduis aussi littéralement que je le puis le début du poëme :

« Des bohémiens, troupe vagabonde, vont errants en Bessarabie. Aujourd’hui, au bord du fleuve, ils campent sous leurs tentes déchirées. Douce comme l’indépendance est leur nuitée. Qu’on dort bien à la belle étoile ! Entre les roues des chariots, à l’abri de lambeaux de couvertures, brille le feu du bivouac. À l’entour, la horde prépare le souper. Les chevaux paissent l’herbe du steppe. Derrière une tente, un ours apprivoisé se vautre en liberté. Tout est en mouvement sur la plaine. On se prépare à la courte traite du lendemain, les femmes chan-