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ALEXANDRE POUCHKINE.

sion, homme d’esprit, Grec, et par conséquent beau diseur, perdit la tête parce qu’un pédant s’était avisé de lui reprocher un mot comme n’étant pas d’une bonne grécité. Il appelle son critique voleur, parricide, incestueux et le reste. Voyez l’Apophrade (ce n’est pas aux dames que je parle). Pouchkine fut dans cette polémique un peu moins vif que Lucien, mais plus aigre que la chose ne le méritait.

Nous avons vu Pouchkine chercher des inspirations étrangères et prendre un guide, moins peut-être pour se conduire que pour s’encourager, de même que ceux qui ne nagent jamais si bien que lorsqu’un bateau les accompagne. Le poëme des Bohémiens nous le fait voir plus confiant en lui-même et se frayant sa voie à sa manière. Ce sont des fragments qui se suivent, sans transition ; tantôt de courts récits, tantôt des dialogues entremêlés quelquefois de morceaux lyriques. Point de détails, point de réflexions, quelques descriptions rapides, et toujours une action entraînante. Je ne connais pas d’ouvrage plus tendu, si l’on peut se servir de cette expression comme d’un éloge ; pas un vers, pas un mot ne s’en pourrait retrancher ; chacun a sa place, chacun a sa destination, et cependant en