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PORTRAITS HISTORIQUES ET LITTÉRAIRES.

Le comte est avantageux, la dame très-ennuyée de la vie solitaire qu’on l’oblige à mener : naturellement le diable vient les tenter ; mais la vertu triomphe, et le comte Nouline ne gagne, à vouloir faire le Tarquin, que quelques égratignures. Sur ce léger canevas Pouchkine a jeté de charmantes broderies. Le récit enchevêtre à chaque instant des réflexions de l’auteur. En cela peut-être trouvera-t-on une autre imitation ; pourtant ce n’est pas à Byron que revient l’honneur de ce genre de composition, où l’auteur parle de tout à propos de peu de chose. Sterne, dans son Tristram Shandy, avait déjà mis à la mode cette sorte de commentaire perpétuel inséré dans le texte d’un récit des plus simples. Avant Sterne, Rabelais, avec sa verve et l’originalité de son style incomparable, avait fait la satire de l’Église, de la cour et de la société tout entière, à la faveur d’un conte à dormir debout.

Je crois qu’il ne serait pas impossible de lui ravir la gloire de l’invention, et de remonter à l’antiquité pour découvrir des modèles, si, dans une œuvre de ce genre, le mérite de l’exécution n’était pas le plus important, disons mieux, le seul à considérer. Personne ne raconte plus spirituel-