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ALEXANDRE POUCHKINE.

dont Hoffmann et Gogol ont fait preuve dans leurs contes fantastiques. Le plus sceptique a ses moments de croyance superstitieuse, et sous quelque forme qu’il se présente, le merveilleux trouve toujours une fibre qui tressaille dans le cœur humain. Toutefois la première condition pour exploiter notre crédulité, c’est de croire. En lisant, le soir, dans mon lit quelques histoires de revenant, je frissonnerai au craquement d’une boiserie, pourvu que l’auteur se montre aussi crédule, aussi peureux que moi. Si d’abord il se donne pour un esprit fort, adieu la terreur. Le tort de Pouchkine, en employant les superstitions populaires de son pays pour les machines de son poëme, fut de les prendre du côté ridicule, et de donner à tout son récit une tournure ironique. Telle fut la manière de Hamilton. Ses contes de fées sont charmants sans doute, mais j’aime mieux ceux de Perrault. Remarquez encore que Hamilton s’égayait avec un fantastique usé par la mode, et dont peut-être on ne pouvait plus faire un meilleur usage. Pouchkine, au contraire, avait découvert une mine inconnue, car alors le beau monde de Saint-Pétersbourg n’entendait rien aux antiquités slaves ; mais, tout le premier, il en méconnut l’importance et n’y apporta que la curiosité