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ALEXANDRE POUCHKINE.

à sacrifier les détails inutiles, serait un mérite considérable en tout pays, et ce mérite est surtout à louer chez un Russe. Pouchkine a toujours pratiqué le précepte d’Horace :

Hoc amet, hoc spernat promissi carminis auctor.

Bien qu’il connût toutes les ressources, toute l’étonnante richesse de sa langue, sa pensée se produit toujours sous une forme si simple, qu’on ne croirait pas possible de l’exprimer autrement. On dit qu’à l’exemple de Molière, il consultait souvent sa vieille nourrice, et qu’il s’appliquait à ne se servir que de mots familiers à tous ses compatriotes, gentilshommes ou paysans.

J’ai ouï dire que son premier essai littéraire fut un petit poëme antireligieux et passablement décolleté, nommé la Gavriliade. Gavril est en russe le nom de l’Archange que nous appelons Gabriel. Ce poëme n’a jamais été imprimé, que je sache ; je n’en ai pas lu une ligne, mais d’après ce que j’en ai entendu dire, ce serait une imitation de la Guerre des Dieux de Parny. Des vers faciles et bien tournés, des tableaux pleins de feu et d’une témérité juvénile ne peuvent faire pardonner la licence du sujet et de l’exécution. Il faut se rappe-