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ALEXANDRE POUCHKINE.

les formes de vers sont possibles en russe et ont été essayées. Joukofski a traduit le roman d’Ondine en hexamètres antiques ; d’autres ont employé le vers iambique ou notre alexandrin ; mais le vers qui paraît le plus naturel au génie slave est l’iambique de huit syllabes. C’est dans ce mètre qu’ont été composées la plupart des vieilles poésies populaires. Elles ne sont pas rimées. Aujourd’hui non-seulement la rime est consacrée par l’usage, mais on y a joint encore l’alternance régulière des rimes masculines et féminines, telle qu’elle existe chez nous. J’appelle masculine une rime qui porte un accent sur la dernière syllabe ; féminine, lorsque cet accent tombe sur la pénultième syllabe d’un mot. Ainsi jenà est une rime masculine ; doùcha, une rime féminine. Tel est le mètre dont Pouchkine a fait le plus souvent usage et qu’il a rendu, pour ainsi dire, classique.

Est-ce en réalité un très-grand avantage pour un poëte de disposer d’une langue flexible, harmonieuse, accentuée ? Je n’ose avoir une opinion, moi profane ; mais il me semble que le poëte sera trop souvent tenté de sacrifier le fond à la forme. Il se contentera de sons au lieu de pensées, et croira avoir atteint le but de l’art lorsqu’il aura réjoui les