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PORTRAITS HISTORIQUES ET LITTÉRAIRES.

pour aller nous cueillir une fleur sur le penchant d’un précipice. Il se plaisait à nous faire remarquer les bonnes qualités des habitants autant qu’à nous signaler les beautés de la nature ou les vestiges de l’art. Il était surtout frappé de l’éloquence particulière aux Grecs, de leur passion pour acquérir des connaissances, et il nous citait le vieux et brave Canaris allant à l’école après avoir brûlé la flotte turque. Il est rare qu’on ne soit pas aimé de ceux qu’on aime, et M. Lenormant s’était fait des amis de tous ceux qu’il avait entretenus.

L’automne dernier, il s’embarquait pour la Grèce avec plus de plaisir que jamais. Cette fois il y conduisait son fils, formé par lui aux fortes études et qui apportait sur cette terre classique le savoir d’un homme mûr et les émotions d’un jeune homme de vingt-trois ans. Quelques semaines se passèrent heureusement. Le père et le fils, fêtés partout, se plaignaient seulement que les jours étaient trop courts. Mais le terme des vacances approchait ; M. Lenormant devait reprendre son service au cabinet des médailles au commencement de décembre, et il fut résolu qu’on partirait par un des derniers paquebots de novembre. M. Lenormant et son fils assistèrent à un dîner d’adieu qui leur fut donné