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BRANTHÔME.

donné. Au xive siècle il y avait en Castille, à l’usage des Ricos omes, une procédure particulière pour se dénaturer, c’est-à-dire pour changer de roi et de patrie. Bien qu’en France on ne trouve point de trace d’une semblable coutume, est-il surprenant qu’à la fin du xvie siècle, après trois guerres civiles où les deux partis avaient appelé l’étranger à combattre pour leurs querelles, le sentiment du devoir fût très-affaibli dans tous les cœurs ? Il y avait alors quantité de gentilshommes dont l’honneur n’avait jamais été soupçonné, qui, à la tête de reîtres allemands, avaient sabré leurs compatriotes, qui pouvaient même avoir croisé l’épée contre leur roi ou les princes de sa maison. Branthôme, lorsqu’il était, à Lyon, de service auprès de Henri III, avait entendu la fière réponse du baron de Montbrun, chef des protestants dauphinois. — Nous sommes en guerre, disait-il, et je ne connais plus les ordres du roi lorsque j’ai le cul sur la selle. » Remarquons encore qu’à cette époque la patrie était un mot à peu près vide de sens ; on ne connaissait guère alors cet être de raison, ou bien il fallait le confondre avec l’amour du souverain, et la France avait pour rois Charles IX et Henri III.

Les opinions exprimées par Branthôme sur les