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BRANTHÔME.

bitieux et hardi jusqu’à la témérité, qui flattait tour à tour les protestants et les catholiques pour se faire un parti et profiter de l’anarchie générale. Arrivé à la maturité de l’âge, Branthôme commençait à s’apercevoir qu’il avait employé ses plus belles années d’une manière assez inutile à sa fortune. Satisfait de l’apparence, il avait négligé la réalité. Il avait recherché avec passion la familiarité des grands ; mais il leur avait trop laissé voir qu’un sourire et quelques bonnes paroles suffisaient pour assurer son dévouement. Il avait affecté une insouciance cavalière pour les honneurs, et on l’avait pris au mot. Cependant il voyait ses anciens camarades pourvus de charges considérables, devenus de grands seigneurs, tandis que lui, ami de tout le monde, était traité par tous comme un personnage sans conséquence. Longtemps bien venu auprès des dames, après beaucoup de galanteries, il demeurait sans établissement à un âge où il lui devenait plus difficile de former une liaison légitime, et presque ridicule de chercher des aventures. Dans ces sombres pensées, il se souvint de l’accueil qu’il avait reçu à différentes reprises de plusieurs grands seigneurs espagnols. Les connaissant moins à fond que les Français, il était disposé à les juger plus