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PORTRAITS HISTORIQUES ET LITTÉRAIRES.

sence de quelques vaisseaux turcs en vue d’Ostie aurait pu déterminer le Saint-Père à ménager de vaillants soldats dont bientôt peut-être il aurait besoin. Nous aimons mieux ne voir dans la conduite de Pie V qu’un effet de sa douceur et de sa bénignité naturelles. Trop bon catholique pour manger de la chair le vendredi, Branthôme se contentait de « donner chez les dames romaines, » pour parler comme Molière, ou de voisiner chez elles, comme disent les Italiens. Une beauté célèbre, qu’il avait trouvée cruelle à son dernier voyage, lorsque ses 500 écus tiraient à leur fin, se montra repentante et douce maintenant qu’il revenait avec une bourse assez bien garnie. D’ailleurs la dame s’était mariée dans l’intervalle, à un galant homme qui était bien aise d’avoir pour amis des étrangers de distinction.

Avant de revenir en France, Branthôme s’arrêta quelques semaines à Milan, pour se perfectionner dans l’art de l’escrime, à l’école d’un maître fameux nommé le Grand Tappe. Nous avouerons à regret qu’il nous a été impossible de savoir s’il devait cette épithète honorable à son génie, comme Alexandre et Pompée, ou seulement à sa taille. Tout en ferraillant, notre auteur méditait alors une expédition nouvelle. Il était cruel d’être allé à Malte sans