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CERVANTES.

des bergers. Enfin l’action principale disparaît au milieu d’une foule d’épisodes mal liés entre eux, et encore plus mal rattachés au corps de l’ouvrage. C’était alors la mode de ne jamais finir un livre[1], et Cervantes en profita pour laisser son lecteur embarrassé à deviner la fin d’une douzaine d’aventures que lui-même, je crois, aurait eu de la peine à terminer. Malgré tous ces défauts, la Galatée eut du succès, et Cervantes commença à prendre rang parmi les beaux esprits espagnols. Les comédies qu’il donna ensuite accrurent sa réputation, mais sans le délivrer de ses embarras pécuniaires.

Le prologue des comédies qu’il publia longtemps après, en 1615, donne une idée du théâtre espagnol avant lui, et des perfectionnements qu’il sut y introduire.

« Je ne puis m’empêcher, ami lecteur, de te demander pardon si je sors ici de ma modestie accoutumée. L’autre jour, je me trouvai à une petite réunion d’amis, où l’on parla de théâtre et de ce qui s’y rapporte. Là-dessus, ils trouvèrent tant de subtilités, et réglèrent tout si bien, par points et virgules, qu’à mon avis ils en vinrent à la dernière perfection. On parla enfin de celui

  1. Voir Lazarillo de Tormes ; la Garduna de Sevilla, etc.