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PORTRAITS HISTORIQUES ET LITTÉRAIRES.

canevas fut arrangé entre les deux interlocuteurs, et, quant au dialogue, on devait l’improviser. L’auditoire trouva que Mme de Genlis n’avait jamais eu tant d’esprit ; elle en sut gré à son jeune acteur et l’engagea à composer des comédies. Il fallait les encouragements de cette femme illustre pour vaincre la timidité naturelle de M. Leclercq. Quant aux conseils qu’elle lui donna dans l’art d’écrire, on en peut juger par l’anecdote suivante, que je tiens de M. Leclercq lui-même. Un jour, il lui racontait une scène plaisante à laquelle il venait d’assister. « C’est bien, dit-elle, mais il faut changer la fin. — Comment ! s’écria-t-il, mais j’ai vu cela de mes yeux ; c’est la vérité. — Eh ! qu’importe la vérité ? Il faut être amusant avant tout. » On voit, en lisant les Proverbes dramatiques, qu’il ne suivit pas à la lettre les leçons de Mme de Genlis. Il sut être amusant, mais il resta toujours vrai.

Ses premiers proverbes furent composés et joués à Hambourg, dans une petite société française que les événements politiques y avaient réunie au commencement de l’Empire. Des militaires, des diplomates furent ses premiers acteurs, et lui, comme Shakspeare et Molière, auteur, directeur, acteur, l’âme de la troupe en un mot. En 1814 et 1815,