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PORTRAITS HISTORIQUES ET LITTÉRAIRES.

position qui n’a rien de commun avec le désir de briller. M. Leclercq voulait se faire aimer, et il y réussissait. Un bon mot s’arrêtait sur ses lèvres s’il pouvait blesser quelque susceptibilité, et il semblait ne vouloir se servir de son esprit que pour mettre en relief celui des autres.

Sa conversation était charmante. Personne n’a su raconter plus agréablement. On pouvait deviner l’auteur et l’acteur des Proverbes aux changements rapides de sa physionomie et aux expressions variées de sa voix ; mais tout cela était si naturel, si improvisé, qu’un sot même n’eût osé l’accuser de préparation. Sa gaieté était communicative, et nous n’y pouvions résister nous-mêmes, nous autres grands enfants du xixe siècle, qui nous étudiions à être graves et tristes. Dans les dernières années de sa vie, M. Leclercq fut éprouvé par des pertes cruelles. La mort d’une sœur et celle de M. Fiévée, son ami d’enfance, dont il ne s’était jamais séparé, lui portèrent un coup terrible. On le retrouva toujours bienveillant, aimable, spirituel ; mais sa gaieté devant ses hôtes était un effort, et l’on sentait que l’effort était douloureux.

Il était né à Paris, en 1777, d’une famille honorable et dans l’aisance. Ses parents voulaient qu’il