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CERVANTES.

en son pouvoir le manchot espagnol, sa vie, ses États et ses galères n’auraient rien à redouter. »

La famille de Cervantes n’avait appris sa mésaventure que fort tard, et son extrême pauvreté l’avait empêchée quelque temps de réunir la somme nécessaire pour la rançon de son parent. Quand cette rançon fut arrivée à Alger, Azan aga demanda le double, et comme il allait partir pour Constantinople, ses esclaves étaient déjà embarqués. Heureusement, les religieux de la Trinité complétèrent la somme de quinze cents écus, demandée par le More. C’était beaucoup pour le temps, surtout pour le rachat d’un simple soldat comme Cervantes. Son esclavage avait duré cinq ans, et quand il revint en Espagne, il était dans sa trente-quatrième année. De ce moment, sa vie est tout entière dans ses ouvrages.

Après avoir essayé de différentes professions, et se sentant de nouveau tourmenté par son ancienne passion pour la littérature, il se remit à écrire. On a lieu d’être étonné que Cervantes, quittant le climat brûlant de l’Afrique, et un rude esclavage, ait trouvé dans son imagination des idées assez tendres et langoureuses pour composer une pastorale ; Galatée fut le premier ouvrage qu’il pu-