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HENRI BEYLE (STENDHAL).

galerie. Je fus un sot de ne pas lui pardonner, car assurément elle ne m’a jamais tant aimé que ce jour-là. »

La constante préoccupation de Beyle était l’étude des passions. Lorsque quelque provincial lui demandait quelle était sa profession, il répondait gravement : « Observateur du cœur humain. » (Un jour il fit cette réponse à un sot qui faillit en tomber à la renverse, s’imaginant que c’était un euphémisme pour dire espion de police.) Dans chaque anecdote pouvant servir à porter la lumière dans quelque coin du cœur, il retenait toujours ce qu’il appelait le trait, c’est-à-dire le mot ou l’action qui révèle la passion. Se traîner à genoux, voilà pour lui le trait dans l’historiette que je viens de raconter, et, selon son habitude de tirer des faits à lui particuliers des conclusions générales, il tenait que cette façon de faire était l’expression même du remords et de l’amour passionné.

Pour terminer sur le sujet de l’amour, Beyle croyait qu’il n’y avait de bonheur possible en ce monde que pour un homme amoureux. « Tout se peint en beau pour lui, disait-il. Je voudrais être amoureux de mademoiselle Flore des Variétés, et je ne porterais pas envie à don Juan. »